Estrogènes

Les estrogènes sont l’élément essentiel d’une hormonothérapie dite féminisante. Il existe trois principales approches pour obtenir des effets dits féminisants :

  1. La monothérapie (estrogènes uniquement) ;
  2. L’utilisation d’un bloqueur d’androgènes combiné avec la prise d’estrogènes
  3. La prise d’estrogènes combinée avec de la progestérone.

 

Toutes ces méthodes ont leurs avantages et inconvénients. Cependant, le choix d’une méthode n’est pas définitif et varie selon la personne. Le traitement hormonal doit être adapté en fonction de l’âge, des risques pour la santé et des chirurgies d’affirmation de genre réalisées ou désirées. Malheureusement, l’accessibilité aux médicaments et leur coût dictent parfois le choix de la méthode. 

Les estrogènes forment une famille de trois hormones : l’estrone, l’estradiol-17β et l’estriol. L’hormone la plus importante pour son effet dit féminisant est l’estradiol-17β. C’est donc cette hormone qui est prescrite pour l’hormonothérapie, car elle est responsable, entre autres, du développement des seins et de la répartition des graisses.

Évidemment, les estrogènes ont beaucoup d’autres fonctions, car ils agissent partout dans le corps. Par exemple, les hormones sexuelles (estrogènes et testostérone) sont essentielles pour maintenir la bonne santé des os. C’est entre autres pourquoi il n’est pas envisageable de maintenir sur une longue période une thérapie hormonale à base d’anti-androgènes seulement. Cependant, il est possible d’utiliser seulement de l’estradiol pour éviter les effets secondaires des bloqueurs, ou d’arrêter rapidement les bloqueurs une fois la baisse désirée du testostérone atteinte.

L’estradiol-17β utilisé pour l’hormonothérapie est bio-identique, ce qui signifie que la molécule contenue dans le médicament est identique à celle produite par le corps humain.

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Effets de l'estradiol1Coxon, J., & Seal, L. (2018). Hormone management of trans women. Trends in Urology & Men's Health, 9(6), 10-14. doi :10.1002/tre.663

Modes d’administration

Bien que la forme en comprimé soit pratique et répandue, et la seule couramment remboursée par les assurances médicaments, la prise orale implique nécessairement que le médicament sera digéré pour être ensuite traité par le foie. Par conséquent, une grande partie de l’estadiol-17β est transformé en estrone, un estrogène moins puissant. 

Le passage par le foie augmente aussi les risques sur la santé contrairement aux formes transdermiques (gel ou timbre) ou par injection, surtout quand on considère que l’hormonothérapie est administrée sur une très longue période. Par exemple, une augmentation du risque de caillots est observée 2https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29987313, ce qui peut mener à une thrombose (caillot), un accident vasculaire cérébral (AVC) ou une embolie pulmonaire. C’est pourquoi l’administration par voie transdermique ou par injection est souvent recommandée pour les personnes de 40 ans et plus3Mortality and morbidity in transsexual subjects treated with cross-sex hormones – PubMed (nih.gov) ou qui fument.

Les formes transdermiques sont plus sécuritaires que la forme en comprimé, car elles évitent que l’estradiol-17β soit traité par le foie. Elles sont donc moins susceptibles d’avoir des effets néfastes à long terme sur la santé, mais sont plus coûteuses que les comprimés. 

Le côté moins pratique de la forme transdermique peut être un enjeu. L’estradiol-17β en gel doit être appliqué sur la peau une à plusieurs fois par jour. Il faut faire attention au contact avec d’autres personnes comme les partenaires ou les enfants. Pour le timbre, il doit être appliqué sur des régions précises de la peau sans poil et être changé une ou deux fois par semaine. De plus, la colle de certains timbres peut susciter des irritations et ils peuvent mal coller selon le type de peau.

En ce qui concerne la forme injectable d’estradiol-17β, elle est disponible sous forme de valérate d’estradiol ou, plus rarement, de cypionate d’estradiol. Ces deux esters de l’estradiol-17β sont transformés par le corps en estradiol-17β. Ces deux formes peuvent être administrées en injection dans le muscle (intramusculaire) ou sous la peau (sous-cutanée). 

Les injections d’estradiol-17β sont peu prescrites, car elles doivent être préparées en pharmacie spécialisée. Leur coût est donc un peu plus élevé que celui des comprimés et elles ne sont pas remboursées par la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ). L’avantage de la forme injectable est que la fréquence de la prise du médicament est aux 5 à 14 jours selon la demi-vie du médicament et les instructions du médecin. Cependant, l’injection est complexe à préparer et demande une manipulation précise et soignée.

Plusieurs de ces médicaments ne sont pas remboursés par défaut par l’assurance médicament publique. Certaines assurances privées peuvent les couvrir, mais il est aussi possible d’en obtenir le remboursement sous certaines conditions et si le médecin prescripteur en fait la demande et fournit le code d’exception. Par exemple, le gel et les timbres peuvent être couverts “chez les personnes ne pouvant recevoir d’estrogènes par la voie orale en raison d’intolérance ou lorsque des facteurs médicaux favorisent la voie transdermique”4Régie de l’assurance maladie du Québec. (2021, March). Code des médicaments d’exception. https … voir la suite., grâce au code GY34.

Anti-androgènes

Afin de réduire les effets masculinisants de certaines hormones androgènes comme la testostérone et la dihydrotestostérone (DHT), la thérapie hormonale peut inclure l’utilisation de médicaments communément appelés bloqueurs d’androgènes ou anti-androgènes. Les anti-androgènes couramment utilisés vont agir en bloquant les récepteurs androgéniques des cellules ou carrément supprimer la production de la testostérone par les testicules.

Bien qu’à première vue, les anti-androgènes semblent être une voie efficace pour faciliter la féminisation, les risques sur la santé sont élevés. Plusieurs de ces médicaments ont des effets secondaires importants comme l’hyperkaliémie (excès de potassium), la prolactinémie (excès de prolactine), l’insuffisance du foie, des problèmes neurologiques, des méningiomes (tumeur bénigne au cerveau), la dépression et autres. Certains effets secondaires se développent à long terme ou lorsque les doses prescrites sont élevées. Puisque l’hormonothérapie est un traitement sur une très longue période, il est important d’être suivi de près par son médecin. Il faut toujours être à l’affût de tout changement quant à son état de santé et sa qualité de vie.

Modes d’administration

Progestérone

La prise de progestérone chez les personnes transféminines est toujours un sujet controversé. Bien que les témoignages anecdotiques de son efficacité se multiplient et qu’un nombre grandissant de médecins acceptent d’en prescrire, il est beaucoup plus difficile de s’en faire prescrire que d’obtenir de l’estradiol. En effet, aucune étude n’a encore prouvé directement son efficacité ou son inefficacité5Wierckx, Katrien, et al. “Clinical Review : Breast Development in Trans Women Receiving Cross-Sex Hormones.” The Journal of Sexual Medicine, vol. 11, no. 5, 2014, pp. 1240–47. Crossref, … voir la suite.. Cependant, une revue de nombreuses études tend à démontrer qu’il n’y a pas de risques significatifs potentiels liés à l’utilisation de la progestérone bioidentique, et que les bienfaits potentiels sont multiples6Prior, Jerilynn C. “Progesterone Is Important for Transgender Women’s Therapy—Applying Evidence for the Benefits of Progesterone in Ciswomen.” The Journal of Clinical Endocrinology & … voir la suite..

Les personnes qui ont utilisé de la progestérone rapportent généralement une reprise ou une accélération de la pousse des seins, et ce, même après plusieurs années de stagnation. On rapporte également une augmentation de la libido.

Parmi les effets avérés scientifiquement chez les femmes cisgenres, on rapporte un sommeil plus profond, une amélioration de l’humeur et des bienfaits pour le système cardiovasculaire et les os.

 

 Tout comme avec l’estradiol, la progestérone micronisée bioidentique est à privilégier, car les risques pour la santé sont plus nombreux qu’avec les projestatifs, comme l’acétate de médroxyprogestérone7Bethea, Cynthia L. “MPA : Medroxy-Progesterone Acetate Contributes to Much Poor Advice for Women.” Endocrinology, vol. 152, no. 2, 2011, pp. 343–45. Crossref, doi :10.1210/en.2010-1376..

La progestérone bioidentique injectable est généralement peu utilisée par les personnes trans, car elle est peu pratique vu la fréquence d’injection requise, soit plusieurs fois par semaine.

Modes d’administration

Notes

Notes
1 Coxon, J., & Seal, L. (2018). Hormone management of trans women. Trends in Urology & Men's Health, 9(6), 10-14. doi :10.1002/tre.663
2 https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29987313
3 Mortality and morbidity in transsexual subjects treated with cross-sex hormones – PubMed (nih.gov)
4 Régie de l’assurance maladie du Québec. (2021, March). Code des médicaments d’exception. https ://www.ramq.gouv.qc.ca/SiteCollectionDocuments/professionnels/medicaments/codes-medicaments-exception/codes_medicaments_exception.pdf
5 Wierckx, Katrien, et al. “Clinical Review : Breast Development in Trans Women Receiving Cross-Sex Hormones.” The Journal of Sexual Medicine, vol. 11, no. 5, 2014, pp. 1240–47. Crossref, doi :10.1111/jsm.12487.
6 Prior, Jerilynn C. “Progesterone Is Important for Transgender Women’s Therapy—Applying Evidence for the Benefits of Progesterone in Ciswomen.” The Journal of Clinical Endocrinology & Metabolism, vol. 104, no. 4, 2019, pp. 1181–86. Crossref, doi :10.1210/jc.2018-01777.
7 Bethea, Cynthia L. “MPA : Medroxy-Progesterone Acetate Contributes to Much Poor Advice for Women.” Endocrinology, vol. 152, no. 2, 2011, pp. 343–45. Crossref, doi :10.1210/en.2010-1376.