Standards de soins et critères diagnostiques
Dans les dernières décennies, des avancées majeures sont survenues dans le domaine de la santé trans. Autrefois très restrictifs et basés sur des stéréotypes, les critères d’accès à une transition médicale ont évolué pour se centrer sur les besoins et l’autodétermination des personnes trans et non-binaires.
L’Association mondiale des professionnels pour la santé transgenre (WPATH) publie depuis 1979 les Standards de soins (SDS) pour la santé des personnes transsexuelles, transgenres et de genre non conforme. La septième et plus récente édition a été publiée en 2011 et traduite en 2013 1WPATH. (2013, Septembre). Standards de Soins pour la santé des personnes transsexuelles, transgenres et de genre non conforme (No. 7). https … voir la suite.. On attend en 2021 la huitième édition, qui devrait inclure plus explicitement les personnes non-binaires et fluides dans le genre.
Standards de soin du WPATH
Les standards de soin de la WPATH sont la référence actuellement utilisée au Québec pour déterminer l’accès aux soins de transition. Ils établissent des critères pour l’accès à l’hormonothérapie et aux chirurgies, autant pour les mineur.e.s que les adultes.
Ces critères sont des lignes directrices qui doivent être appliquées avec flexibilité, d’autant plus que la version actuelle n’a pas été mise à jour depuis 10 ans, alors que la santé trans a beaucoup évolué depuis. Les personnes trans, non-binaires et fluides dans le genre ont des réalités multiples et méritent une approche individualisée.
Critères et nécessité du diagnostic de dysphorie de genre
La dysphorie de genre est un terme utilisé dans différents contextes. Il est utilisé par les personnes trans et non-binaires elles-mêmes pour parler d’un malaise avec leur corps, leur expression de genre ou encore la façon dont elles sont perçues par les autres (dysphorie sociale). Il s’agit aussi d’un diagnostic de santé mentale dont les critères sont décrits dans le DSM-5 (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux), et incluent la présence d’une détresse significative ou d’une altération du fonctionnement. Finalement, les standards de soin de la WPATH posent comme critère pour l’accès à l’hormonothérapie et aux chirurgies la présence d’une « dysphorie de genre persistante et bien documentée » (SDS, p.66).
Ces trois utilisations du terme ne réfèrent pas exactement au même concept. Une personne peut ressentir de la dysphorie de genre sans correspondre aux critères diagnostiques du DSM-5. De plus, l’utilisation de ce terme dans les standards de soins ne réfère pas au diagnostic de santé mentale. Le DSM-5 a d’ailleurs été publié après la septième édition des SDS 2Ashley, F. (2019). The Misuse of Gender Dysphoria : Toward Greater Conceptual Clarity in Transgender Health. Perspectives on Psychological Science, 174569161987298. https … voir la suite..
De plus, une transition médicale est une décision hautement personnelle, qui peut être motivée par d’autres facteurs que la dysphorie de genre, par exemple l’atteinte de l’euphorie de genre, qui est un sentiment positif par rapport à son identité, son expression de genre et la façon dont on est perçu.
Par conséquent, il est rare que le rôle des professionnel.le.s de la santé mentale dans le cadre d’une transition médicale soit de poser un diagnostic de dysphorie de genre. Les professionnel.le.s ne peuvent ni déterminer si une personne est réellement trans, ni savoir si une transition médicale est une bonne décision pour elle. Leur rôle est plutôt « de soutenir, guider, et aider le client à prendre une décision éclairée et à l’y préparer de façon adéquate » (SDS, p. 30).
Le critère le plus important pour l’accès aux soins d’affirmation du genre est donc la capacité de bien comprendre leurs effets et de fournir un consentement éclairé à ceux-ci.
Modèles de lettre de recommandation
Une lettre de recommandation pour l’hormonothérapie, si elle est exigée (voir accès à l’hormonothérapie au Québec), peut être écrite par un.e professionnel.le de la santé mentale détenant un baccalauréat et faisant partir d’un ordre professionnel.
Pour être acceptée par la clinique GRS Montréal (voir fonctionnement de la clinique GRS Montréal) une lettre de recommandation pour une chirurgie d’affirmation du genre doit provenir d’un.e professionnel.le de la santé mentale ayant au minimum une maîtrise et ayant suivi une formation en santé trans. Il n’y a pas de durée minimale de suivi exigée.
Les lettres devraient contenir les éléments suivants :
- les caractéristiques générales (civilité, etc.) identifiant le client ;
- les résultats de l’évaluation psychosociale du client, y compris le(s) diagnostic(s) ;
- la durée de suivi du client avec le professionnel de santé référent, y compris le type d’évaluation, de thérapie, ou de counseling effectué(s) jusqu’à ce jour ;
- une description des critères d’indication de l’hormonothérapie/des critères validés pour la chirurgie et des justifications cliniques accompagnant la demande du client pour ce traitement ;
- une déclaration attestant que le client a donné son consentement éclairé ;
- une déclaration attestant que le professionnel référent est disponible pour la coordination des soins, joignable par téléphone à cet effet. » (SDS, p. 29)
Critères spécifiques aux chirurgies
Une lettre de recommandation est nécessaire pour les chirurgies du torse pour les adultes. L’hormonothérapie n’est pas un prérequis, mais il est recommandé d’être sous hormonothérapie pendant 18 à 24 mois avant une augmentation mammaire afin de maximiser la croissance des seins avant la chirurgie.
Les adolescent.e.s âgés d’au moins 16 ans peuvent également avoir accès à la mastectomie avec une lettre de recommandation, « de préférence après un temps de vie réelle dans le rôle de genre désiré suffisant et après une année de traitement par la testostérone. […] Cependant différentes approches peuvent être plus appropriées, en fonction de la situation clinique particulière de l’adolescent et des buts liés à l’expression de l’identité de genre. » (SDS, p. 23)
Deux lettres de recommandation sont nécessaires pour les chirurgies génitales chez les personnes de 18 ans et plus.
De plus, les SDS préconisent « une période de 12 mois continus sous hormonothérapie appropriée aux objectifs de genre du patient (à moins que le patient ne présente une contre-indication pour la prise d’hormones). » (SDS, p. 67)
Comme les autres recommandations des SDS, il s’agit de lignes directrices, qui doivent être adaptées aux objectifs de transition des personnes directement concernées. Par exemple, une personne non-binaire pourrait désirer une vaginoplastie sans vouloir les effets de l’hormonothérapie féminisante, et débuter une hormonothérapie de substitution à base de testostérone après l’opération.
Des lettres de recommandation ne sont pas exigées par tou.te.s les chirurgien.ne.s qui pratiquent des hystérectomies ou des orchidectomies. Les SDS, quant à eux, préconisent deux lettres de recommandation ainsi qu’une « période de 12 mois continus sous hormonothérapie appropriée aux objectifs de genre du patient, à moins que le patient ne présente une contre-indication médicale ou ne puisse (capacité ou volonté) prendre d’hormones. » (SDS. p.67)
Comme les autres recommandations des SDS, il s’agit de lignes directrices, qui doivent être adaptées aux objectifs de transition des personnes directement concernées. Par exemple, une personne voulant obtenir une hystérectomie en gardant au moins un ovaire n’a pas besoin de prendre une hormonothérapie de substitution.
Notes[+]
↑1 | WPATH. (2013, Septembre). Standards de Soins pour la santé des personnes transsexuelles, transgenres et de genre non conforme (No. 7). https ://www.wpath.org/media/cms/Documents/SOC%20v7/SOC%20V7_French.pdf |
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↑2 | Ashley, F. (2019). The Misuse of Gender Dysphoria : Toward Greater Conceptual Clarity in Transgender Health. Perspectives on Psychological Science, 174569161987298. https ://doi.org/10.1177/1745691619872987 |